Etude de cas: un nez d’ivrogne?

Début mars, cet homme de 84 ans remarque une grosseur sur son nez qui le démange un peu. Vu son évolution rapide, il consulte son médecin traitant après quelques semaines. Le patient entame un traitement à base de crème de métronidazole. Une semaine plus tard, le 24/03/2017, il se présente chez moi.

Les antécédents dermatologiques ne sont pas pertinents; quelques verrues séborrhéiques ont été retirées. Ses antécédents généraux ne révèlent rien de notable non plus.

Médication: éprosartan 600mg, rosuvastatine 10mg, lercanidipine 10mg, lormétazépam 2mg, parfois du paracétamol 1.000mg.

Examen clinique du 24/03/2017: sur le dessus du nez à gauche se trouve un gros nodule rouge foncé brillant lisse et surélevé, sans aspect nacré (Figure 1).

 

Figure 1.

 

Examen anatomopathologique: présence dermique d’un infiltrat lymphocytaire diffus et dense composé de lymphocytes de taille réduite à moyenne, mélangés à des éosinophiles et des structures épithéliales atypiques, peut-être des résidus folliculaires préexistants. On observe localement une nécrose et la formation d’une cavité. La caractérisation de l’infiltrat donne une composition mixte de nombreux lymphocytes B CD20+ avec formation d’agrégats, mêlés à des lymphocytes T CD3+ (CD4 < CD8). L’infiltrat présente de nombreux lymphocytes T auxiliaires PD1+ folliculaires. La coloration du Ki67 est assez élevée (40%) et correspond à un infiltrat réactif. Une coloration du CD1a montre une condensation des cellules dendritiques autour des structures épithéliales, qui présentent une coloration positive de la kératine.

Conclusion: le tableau correspond mieux à une folliculite pseudolymphomateuse du nez.

Discussion et traitement

Au moment de la première consultation et de la biopsie, une abcédation en régression avait initialement été envisagée. Dans le diagnostic différentiel, l’option d’une hyperplasie angiolymphoïde avec éosinophilie a aussi été prise en considération. Toutefois, un traitement par voie orale à base de chlorhydrate de tétracycline 2 x 500mg/j associé à une crème d’ivermectine n’a permis aucune amélioration. Le 24/04/2017, la lésion avait de plus encore évolué en un nodule de 20 x 23mm brillant et surélevé (Figure 2). Le résultat anatomopathologique était entre-temps connu.

 

Figure 2.

La folliculite pseudolymphomateuse du nez se présente souvent sous la forme d’un nodule rouge solitaire sur le nez ou, plus rarement, ailleurs sur le visage, sur le front ou sur le tronc. Ce type de pseudolymphome appartient à un plus large groupe de ce que l’on appelle des infiltrations lymphoïdes cutanées petites/moyennes. Il s’agit d’un groupe indolent de lésions lymphoïdes dont la classification en tant que lymphomes indolents est remise en question. Apparemment, le comportement de ce groupe reste bénin, surtout s’il s’agit d’une lésion solitaire, et l’on parle plutôt d’affections lymphoprolifératives. Ce type de lésion peut régresser spontanément. Si ce n’est pas le cas, une chirurgie, une radiothérapie ou une infiltration intralésionnelle de stéroïdes peuvent être envisagées.

Le 05/05/2017, une infiltration de 1ml de Diprophos® a été réalisée dans le nodule. Le 16/05/2017, l’aspect de la tumeur était déjà moins brillant et moins enflammé. Une infiltration complémentaire de 0,5ml de Diprophos® a été effectuée. Le 06/06/2017, on n’observait plus qu’une macule atrophique discrète de la même couleur que la peau (Figure 3).

 

Figure 3.

L’intérêt de ce cas réside dans l’identification de cette entité qui, au cours du diagnostic différentiel, doit être distinguée des lymphomes malins cutanés primaires. Du point de vue anatomopathologique, il est parfois difficile de faire la différence avec le lymphome T pléomorphe à cellules petites et moyennes, le lymphome B centrofolliculaire et le mycosis fongoïde pilotrope.

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