Anamnèse
En février 2018, un homme de 60 ans se présente à la consultation du service d’orthopédie de notre hôpital en raison de douleurs au niveau du genou gauche. Il présente une gonarthrose en varus évoluée avec une instabilité médio-latérale, ainsi qu’une atteinte patellaire. Une prothèse totale cimentée du genou gauche est posée. Après l’intervention, le patient continue cependant de se plaindre d’une douleur lancinante, y compris pendant la nuit. Comme le chirurgien ne parvient pas à expliquer directement ce phénomène, nous sommes appelés en consultation. Effectivement, aucun problème n’est à signaler au niveau de la prothèse.
Tableau clinique
Une inspection cutanée apporte un nouvel élément, à savoir la présence, au niveau du même genou, d’une lésion que l’orthopédiste avait jugée banale. À l’examen, nous observons une tumeur hémisphérique bleu-rouge de 0,5cm sur la face antéro-médiale du genou gauche. Nous suspectons une tumeur glomique, un angiome ou un granulome pyogène (Figure 1).
Traitement
Une excision est pratiquée sous anesthésie locale.
Histologie
La résection est suivie d’un examen au microscope optique.
La coloration à l’hématoxyline et à l’éosine (Figures 2 et 3), ainsi que d’autres colorations (C-MYC et Ki-67) révèlent une tumeur glomique atypique avec de nombreuses mitoses.
Commentaire
Une tumeur glomique est un néoplasme généralement bénin des cellules musculaires lisses péri-artériolaires. La cause de cette prolifération cellulaire est inconnue. Sur le plan clinique, on observe la présence d’un ou de plusieurs nodules ou papules rouge-bleu, qui disparaissent parfois à la pression, dans le derme ou l’hypoderme, si bien qu’ils sont parfois confondus avec des lésions vasculaires ou mélanocytaires.
Les tumeurs glomiques sont classées dans deux catégories: la forme classique douloureuse et la forme plus rare caractérisée par différents glomangiomes indolores et malformations glomuveineuses. Même si la plupart des tumeurs glomiques sont solitaires et se développent sous l’ongle d’un doigt, ces lésions peuvent également apparaître à d’autres endroits du corps (cf. notre patient). La douleur se manifeste par des accès douloureux paroxystiques, souvent sous l’effet de la pression ou d’un changement de température. L’excision chirurgicale de la lésion permet toutefois de faire disparaître la douleur.
Dans de rares cas, comme chez notre patient, il s’agit d’une tumeur glomique atypique. Nous avons considéré cette tumeur davantage comme une forme maligne, compte tenu de la forte activité mitotique de plus de 5 mitoses pour 50 champs à fort grossissement. La coloration de C-MYC (un oncogène connu) s’est également avérée positive dans de nombreux noyaux de la lésion. La coloration de l’antigène Ki-67 (prolifération cellulaire) s’est révélée positive dans environ 10% des noyaux tumoraux.
Étant donné la rareté de ce type de lésion, il n’existe aucune directive concernant le traitement. Toutefois, après concertation avec des médecins de l’UZ Gent (à savoir les Pr S. De Schepper, dermatopathologie, et D. Creytens, anatomopathologie), nous avons décidé de réséquer une marge supplémentaire de 1cm.
Le pronostic est généralement favorable: la plupart des tumeurs glomiques solitaires ne récidivent pas après avoir été enlevées. Pour l’instant, tout se passe très bien aussi pour notre patient: il ne présente plus de lésion et ne souffre plus.